« Family business » ou entreprises familiales, on parle aussi d’entreprises patrimoniales. A vrai dire, on ne peut considérer comme familiales que les entreprises sous le contrôle d’une même famille depuis au moins deux générations d’une part, et toutes les entreprises qui, sous le contrôle d’une ou plusieurs personnes physiques, sont destinées à être transmises à la famille de ces personnes, d’autre part .
Au Maroc, la majorité des entreprises sont familiales. En général, ces entreprises se caractérisent par une confusion de leurs fonctions vitales, reposant sur le chef de l’entreprise. Force est de constater qu’en cas de mort subite du chef de l’entreprise, celle-ci se trouve systématiquement en difficultés.
Aujourd’hui, beaucoup sont les dirigeants arrivés à l’âge de tirer leurs révérences. Aussi doivent-ils engager sans plus tarder une réflexion sérieuse sur leur avenir et celui de leurs familles et de leurs entreprises avant de passer le flambeau à l’héritier repreneur. Il est évident qu’une transmission se fait essentiellement au sein de la famille si, bien évidemment, un dauphin est identifié et qu’il a toutes les qualités humaines et compétences pour assurer la pérennité de l’entreprise familiale. En fait, une entreprise n’est pas l’histoire d’une génération mais de plusieurs générations, et chacune d’elles apporte une nouvelle vision stratégique et une force de proposition et d’innovation. Parfois et dans le cas où la continuité de l’entreprise risque d’être mise à mal par l’absence d’un successeur, le meilleur des choix est de céder l’entreprise à des repreneurs externes.
Au Maroc, la transmission anticipée de l’entreprise est encore taboue. Sur le plan psychologique c’est difficile pour un dirigeant d’annoncer, après toute une vie, à ses enfants, ses employés, ses partenaires et ses clients le grand départ. L’expérience a démontré qu’au passage d’une génération à une autre, la mauvaise préparation entraîne inéluctablement le déclin de l’entreprise. Une prise de conscience de la gravité du phénomène mérite toute l’attention. Les dégâts collatéraux sont importants et se reflètent à tous les niveaux : financier, social, commercial, technique, fiscal, gouvernance….
Que la transmission soit anticipée ou successorale, le chef d’entreprise doit être accompagné par un professionnel tel que le notaire qui a l’expertise et la maîtrise des règles juridiques et fiscales pour réussir cette opération complexe.
Sur le plan fiscal, il fut un temps où une transmission d’entreprise était une opération extrêmement couteuse avec un effet dissuasif. Fort heureusement le législateur fiscal a, plus ou moins, compris l’intérêt de mettre en place des dispositifs fiscaux très avantageux et favorables à la transmission de l’entreprise.
Une transmission réussie nécessite bien évidemment l’intervention d’autres professionnels compétents et se réalise en plusieurs étapes :
I. RESTRUCTURER L’ENTREPRISE AVANT DE LA TRANSMETTRE :
Plusieurs questions méritent d’être posées et un certain nombre de points doivent être traités :
- Quel sort réserver à l’immobilier de l’entreprise ?
- Quelle incidence de la présence d’héritiers non repreneurs sur la transmission de l’entreprise ?
- Regroupement des sociétés
- Pacte familial
- Organisation de l’actionnariat familial dans la société
Il faut partir du constat que la transmission d’une entreprise familiale n’est pas un long fleuve tranquille bien au contraire il va falloir satisfaire des intérêts divergents et résoudre des problèmes liés à la préservation de l’équité au sein de la famille :
- Identifier l’enfant repreneur : L’une des décisions majeures consistera à choisir celui ou celle qui, au sein du cercle familial, prendra la suite. Il faut faire preuve d’objectivité pour désigner la personne la plus qualifiée et présentant le meilleur potentiel pour le poste.
- Sécuriser le schéma souhaité par le chef d’entreprise,
- Transmettre le pouvoir à l’enfant repreneur (ER)
- Désintéresser les enfants non repreneurs (ENR) : Si l’un des enfants est destiné à reprendre l’entreprise, il faut faire en sorte de ne pas désavantager les autres héritiers, tels que ses frères et sœurs mais aussi le conjoint.
Pour régler les problèmes liés à la transmission de votre entreprise le notaire est à la fois l’architecte et l’entrepreneur de votre patrimoine. En effet, il a à sa disposition une boîte à outils pleine d’instruments et techniques de transmission tels que : hiba, sadaka, assurance-vie, démembrement de propriété, création d’une holding de rachat ou de transmission, donation-partage (avec ou sans soulte)…
II. LE DEPART IMMEDIAT OU PROGRESSIF DU DIRIGEANT
En fait tout dépend des circonstances. L’idéal est que le départ soit progressif et en douceur. Dans les petites structures le recours à un système de co-gérance ou de gérance successive peut paraître plus raisonnable.
En revanche, dans les sociétés importantes (S.A, SAS) il est plus approprié de mettre en place des structures duales : conseil de surveillance et directoire.
III. ASSURER LE CONTRÔLE A L’ENFANT REPRENEUR
- Compléter la donation par une cession de titres;
- Utiliser l’effet de levier d’une holding (family by out, LBO…) ;
- Utiliser les actions de préférence pour augmenter les droits de vote ;
IV. DESENGAGEMENT DES ENFANTS NON REPRENEURS (ENR) IMMEDIAT OU PROGRESSIF
1. Un désengagement immédiat est possible :
- Si le chef d’entreprise peut attribuer aux ENR des biens en dehors de l’entreprise ;
- En cas de cession d’une partie des parts sociales à l’ER générant ainsi du cash à attribuer aux ENR ;
- Donation-partage avec une soulte à la charge de l’ER au profit des ENR ;
2. Associer les ENR à la transmission par :
- L’émission d’actions de préférence donnant lieu à des droits financiers aménagés, à des droits d’information renforcés et prévoir à terme leur sortie de la société.
V. STABILISER L’ACTIONNARIAT FAMILIAL
- Prévoir l’établissement d’un pacte d’actionnaires pour contrôler le périmètre du pacte ;
- Mettre en place des procédures d’agrément, droits de préemption au profit du repreneur…
- Elaborer une convention de distribution de dividendes ;
- établir une charte familiale pour acter les valeurs communes ;
- création d’une ou plusieurs holdings familiales…
VI. PREVOIR L’APRES TRANSMISSION POUR LE CHEF D’ENTREPRISE
L’objectif est d’assurer le train de vie du chef de l’entreprise post-transmission :
- Faire un bilan pour déterminer si les ressources couvrent les besoins
- Connaître les revenus après transmission :
- Les pensions de retraite,
- Les revenus annexes (valeurs mobilières, revenus fonciers, et autres)
- Compléter les revenus du chef de l’entreprise en dégageant un capital à travers la cession d’une partie des titres
- En ne donnant que de la nue-propriété et en conservant l’usufruit d’une partie.